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Tout s’écroule

Publié le par Ilham Sinaceur

Tout s’écroule

“Un meurtre sans des ciseaux qui brillent est comme des asperges sans sauce hollandaise. Sans goût.”

Alfred Hitchcock

Quand je me suis réveillée ce matin dans mon studio, Samia n’était toujours pas rentrée. J’ai préféré retourner m’installer chez moi, au cas où elle referait surface. J’ai tué le temps en faisant le ménage. D’habitude, les grands rangements me remettent les idées en place. Mais là, j’avoue que je suis à bout. Il est temps que je reprenne les séances de psy, que j’ai zappées depuis un petit moment.

Je m’accorde une pause après avoir nettoyé la cuisine, et avant d’attaquer la salle de bains. Je me prépare un thé et appelle Chen. Ce dernier a essayé de me joindre à plusieurs reprises depuis vendredi :

« Bonjour Ally. C’est sympa que tu rappelles. J’ai quelque chose d’important à te dire.

-Oui désolée j’ai été un peu occupée.

-Tu vas bien ? C’est ta blessure ?

-Non, ça va. D’ailleurs, je compte reprendre le travail demain. C’est juste que ma copine s’est peut-être mise dans de beaux draps par ma faute. Mais dis-moi plutôt ce que tu as à me raconter.

-Ecoute, vendredi une bonne vingtaine de nos collègues ont été licenciés. Je les ai vu entrer l’un après l’autre dans le bureau de la directrice des ressources humaines, accompagnés à chaque fois de leur manager. Puis chacun d’entre eux est allé ramasser ses affaires et a été raccompagné par la sécurité sans avoir le temps de dire au revoir.

-Tu plaisantes ?

-C’est sérieux, Ally. Ça a duré des heures. C’était affolant de voir toutes ses personnes ramasser leurs affaires dans un carton minuscule, puis disparaitre, comme si elles n’avaient jamais existé. A la fin de la journée, la moitié de l’open-space était vide.

-Et qu’est-ce que tu as fait ?

-Rien. Je suis resté dans mon coin à attendre mon tour, sans adresser la parole à personne. Je pense que tout le monde était en état de choc. Puis je suis rentré chez moi, soulagé de ne pas avoir été appelé.

-Oui, je comprends. Tu as toujours ton boulot alors ?

-J’espère. Mon mec et moi on vient juste d’acheter un appart ensemble. Ce n’est pas le moment de me retrouver au chômage.

-C’est terrible.

-Oui. Du coup je me suis dit que tu aimerais savoir ce qui se passe au bureau avant que tu ne débarques demain.

-Merci Chen. Tu as bien fait de m’informer. »

J’ai passé la journée d’hier à me faire du mauvais sang pour Samia. A présent, je vais finir le dimanche avec une tonne de cheveux blancs. L’image de mon amie coupée en morceaux dans une beigne à ordures laisse la place à la mienne, sdf dans les ruelles sombres de Manhattan en compagnie de rats monstrueux. Soudain, une envie de tout casser me prend par les tripes. Je me retiens en trépignant littéralement sur place. Je me décide finalement à texter ma psy : « J’ai besoin d’une séance en urgence. Parlons-nous sur Skype dès que possible ? ».

A peine ai-je reposé le téléphone sur la table, ou devrais-je dire l’ai-je balancé à trois mètres de moi, que j’entends un cliquetis de clés remuer dans la serrure. Une Samia éblouissante apparait au seuil de la porte :

« Salut ma belle ! Super que tu sois là, je passais récupérer mes affaires. » claironne-t-elle, en s’avançant vers moi.

-T’étais où ?

-Ben, avec mon fiancé, où veux-tu que je sois ? »

Je sens le sang affluer à mes joues :

« J’ai passé les trois derniers jours à t’appeler…

-Bah ! Mon téléphone s’est éteint. J’ai laissé le chargeur ici. »

Je dois être aussi rouge qu’une tomate :

« Je t’ai attendu tout ce temps…

-Calme-toi ! Tu te prends toujours la tête pour rien !

-T’aurais pu me prévenir !

- Qu’est-ce qui t’arrive à hurler comme ça ? Tout va bien. Jeffrey et moi nous nous sommes retrouvés jeudi soir, on s’est réconcilié, et on a passé trois jours merveilleux à Rhodes Island… »

Je ne la laisse pas finir sa phrase, et lui rétorque :

-Je me moque de savoir où t’as posé ton cul ce week-end !

-Ne me parle pas comme ça !

-Je te parle comme je veux. Tu m’as fait aller à la police !

-La police ? T’es folle ou quoi ?

-C’est toi la folle d’entre nous !

-Je suis désolée que tu sois dans cet état… Tu t’es vraiment inquiétée pour moi ?

-Je ne veux pas entendre tes excuses.

-Ok, ok. On va se poser un peu et discuter.

-Non ! Ce n’est pas le moment !

-Laisse-moi au moins te montrer le dernier cadeau de Jeff… »

Si mes yeux pouvaient lancer des éclairs, je crois que Samia se serait transformée en statue de pierre. Après des excuses aussi plates que vides, elle compte vraiment m’amadouer par ses histoires d’amour aussi fausses que sa teinte de cheveux ?

-Je me fous de ton richard ! Il a l’âge d’être ton grand-père !

-T’es juste jalouse…

-Et toi tu n’es pas mieux qu’Angelica ! Au moins, elle assume son métier !

-Ça suffit ! J’en ai assez entendu ! Je me casse !

-Oui c’est ça ! Ramasse tes affaires puantes et dégage ! »

Elle s’empare de sa valise de luxe contrefaite et claque la porte. Je m’effondre sur le canapé, au bord de la crise de larmes. Je sursaute à la sonnerie du téléphone. C’est Reza :

« Halima, ma chérie, comment se passe ta journée ?

-Ça va.

-Tu as une petite voix ?

-C’est cool.

-Que se passe-t-il ?

-Rien, ça va. Tu rentres quand ?

-A ce sujet, j’ai un truc important à régler à San Francisco. Vu que je suis déjà sur la côte ouest, je vais en profiter pour y faire un saut demain. Je t’expliquerai quand on se voit.

-Oh ! Donc tu ne rentres plus ce soir ?

-Non. »

Ma gorge est tellement nouée, que je ne parviens plus à parler :

« Halima, tu es la ? »

Je lâche dans un souffle :

- J’ai un double appel du Maroc on se parle plus tard. »

Je raccroche. Toute la peine du monde me semble peser sur les épaules. J’allume la télévision pour me changer les idées, et je tombe sur le dernier flash info :

« … le boucher de Noho a encore frappé. Sa dernière victime a été attaquée jeudi soir, peu avant minuit. Elle a pu miraculeusement s’échapper et survivre aux nombreuses blessures que lui a administré le serial-killer. Elle a été en mesure de donner une identification précise à la police criminelle. Ses informations sont confidentielles, mais il semblerait que l’homme soit du Moyen-Orient… »

La photographie d’une jeune femme blonde apparait sur l’écran. Je reste stupéfaite par la beauté de ses yeux. Des yeux aussi verts que les miens.

Je me lève comme un zombie et m’empare de la clé du penthouse de Reza. Une fois à l’intérieur de l’appartement, je fonce telle une furie dans le dressing attenant à la chambre à coucher, décidée à commencer les fouilles par là. J’y avais déjà remarqué à maintes reprises une mallette métallique, dissimulée derrière une rangée de costumes, sans jamais oser l’ouvrir. Celle-là même qu’il tenait à la main en rentrant jeudi de son soi-disant rendez-vous professionnel. J’ouvre la valise de mes mains fébriles. Je reste un long moment sans bouger. Je suis incapable de réfléchir. Je sais juste qu’il faut que je m’enfuie de ce lieu aussi vite que possible. Une rangée de couteaux acérés et tranchants sont rangés méticuleusement dans la valise devant moi.

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Pour lire les aventures de Halima du début, cliquez vite sur le lien suivant:

http://mensonges-et-verites.over-blog.com/2016/03/les-commencements.html

Commenter cet article
B
Noooooooooooooon !!!<br /> Je suis sous le choc !<br /> J'attends l'épisode de demain avec une impatience fébrile : que va faire Ally maintenant ?!?
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I
Stay tuned prochain texte ce soir
B
Agrée with MI<br /> 100%
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I
Stay tuned prochain épisode ce soir
M
Le suspense est insoutenable ....
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I
Suite bientôt promis