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Halima et Reza

Publié le par Ilham Sinaceur

Halima et Reza

“En toute chose, il faut considérer la fin.”

Jean de La Fontaine

Ceci est le dernier épisode des aventures de Halima à Manhattan. Pour lire l’histoire du début, cliquer vite sur le lien suivant : http://www.ilhamsinaceur.com/2016/03/les-commencements.html

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Halima et Reza

La nuit est tombée depuis un bon moment déjà. Je me sens soudainement submergé de fatigue. J’ai enchaîné le voyage avec deux soirées d’affilée de travail, sans compter les journées passées au téléphone avec mon frère, pour régler les urgences liées au tournage qui va commencer. J’entends sonner et je me lève pour ouvrir. Je découvre une Halima essoufflée sur le seuil de ma porte :

« Entre.

- Je n’arrive pas à un mauvais moment ?

-Que t’est-il arrivé ? Je commençais à m’inquiéter…

-Oh ! Je suis tellement désolée ! C’est que… Je ne sais pas comment dire.

-J’ai cru que tu avais fait une rechute après ta blessure. Ou que tu avais eu un souci de famille. Heureusement que Mary m’a texté pour me prévenir que tu étais ok…

-Mary t’a texté ? De quoi elle se mêle ?

-Elle a bien fait, je t’assure. »

Je fais signe à Halima de s’installer dans le salon face à la cheminée. Je lui demande :

« Je te sers à boire quelque chose ?

-Non merci, ça va. Que t’a-t-elle dit exactement ? »

Elle a l’air si nerveuse que je ne sais plus quoi penser. J’entreprends d’allumer un feu, tout en répondant :

-Elle a juste dit que tu avais des soucis au travail, et que tu avais besoin de prendre du recul…

-C’est tout ?

-Oui, pourquoi ?

-Ce n’est pas tout à fait vrai. Je dois te confier quelque chose. J’ai passé ces derniers jours en pleine confusion… Depuis ton départ, ça a été les montagnes russes. Mais il y a bien une chose dont je suis sûre, c’est que j’éprouve des sentiments très fort pour toi. »

Je suis en train de disposer les bûches dans l’âtre, quand je comprends qu’elle est en train de me faire une sorte de déclaration d’amour à sa manière. Je pose le morceau de bois que j’ai à la main et me retourne pour l’observer. Elle s’est assise tout au bord du canapé, prête à se lever à tout moment pour quitter la pièce. Elle est si belle, vêtue simplement d’un jeans et d’une chemise à carreaux rose. Je m’avance, et m’assoit à côté d’elle:

« Je t’aime bien, Halima. Et tu m’as manqué malgré ton comportement bizarre. »

Je l’enlace pour l’embrasser mais elle m’en empêche et me prend les mains pour les ramener sur ses genoux. Elle ajoute, embarrassée :

« C’est vrai que je n’ai pas été très correcte en t’ignorant ces derniers jours. Mais c’est parce que… tu ne vas pas apprécier ce que je vais dire.

-Dis-moi ?

-J’ai trouvé tes couteaux dans le dressing…et j’ai cru que tu étais…

-Que j’étais quoi ?

-Le tueur…

-Tu m’as pris pour le serial killer ?

-Oui, enfin non, peut-être, juste un petit peu…

-Que j’étais peut-être un petit peu le boucher de Noho ?

-C’est ridicule n’est-ce pas ? Tu n’es pas trop fâché ? »

Que puis-je répondre à cette interrogation ? Que je ne suis pas étonné qu’elle ait encore une fois fouiné dans mes affaires ? Je réponds à la place :

« Détends-toi, c’en est presque amusant ! Mais quelque part, c’est un peu ma faute. Moi aussi je n’ai pas été très honnête avec toi.

-Comment ça ?

-Les couteaux sont mon équipement d’apprenti chef de cuisine. Cela fait plus de quatre ans que je travaille dans un restaurant new yorkais, plusieurs soirs par mois. C’est ma vraie passion, depuis tout petit. Je le fais le plus discrètement possible car dans le milieu du cinéma j’ai besoin de garder ma crédibilité pour continuer à exercer mon métier de producteur. J’ai un engagement moral avec mon associé, qui est aussi mon frère, que je ne mettrai pas en péril notre société de production pendant que je me forme.

-Oh ! Pourquoi tu ne m’as rien dit ?

-Ma famille et mon entourage critiquent beaucoup mon choix. Ils s’imaginent que je veux devenir un simple cuistot, et ne comprennent pas que le métier de chef cuisinier gastronomique est un véritable art. J’avais peur que tu ne voies les choses de la même façon que mes amis iraniens…

-Au Maroc aussi on confond cuistot et chef…

-C’est pour cela que je n’ai rien dit.

-Je suis contente que tu me confies ton secret. C’est évident que tu seras un grand chef !

-Merci de croire en moi. Je vais avoir besoin de tes prières car le rêve va devenir réalité plus vite que je ne pensais. Cela fait un moment que je cherche à acheter un restaurant sur San Francisco pour me lancer. J’ai eu vent d’une affaire à ne pas rater quand j’étais à LA ce week-end. Je suis allé voir et j’ai eu le coup de cœur ! Tu verrais l’emplacement, Halima, en plein Russian Hill !

-Je ne connais pas, mais ça a l’air génial !

-Tu viendras, n’est-ce pas ? Je suis sûr que tu vas aimer. Tout va s’accélérer maintenant que j’ai fait l’offre d’achat !

-Tu as acheté le restaurant ?

-Oui. Le propriétaire actuel m’a donné sa parole. Ce n’est plus qu’une affaire de paperasse.

-Félicitations Reza ! Ça veut dire que tu vas aller à San Francisco ?

-Oui Halima.

-Et le cinéma ?

-Mon frère est d’accord pour que je me retire. Je peux toujours suivre le projet en cours de San Francisco, si besoin. Une fois là-bas, je serai beaucoup plus proche de LA. Halima, j’ai toujours rêvé d’être chef et de m’établir à San Francisco.

-Je suis très heureuse pour toi Reza. Et ta vie à New York ? »

Les mains de Halima se sont glacées et ses yeux commencent à s’embuer. Elle comprend que ce chapitre-là est fini pour moi. Je ne peux que lui dire la vérité :

« Je compte mettre en vente le penthouse et chercher une maison à San Francisco, certainement au bord de la marina pour faire de la voile plus souvent. »

Elle retire ses mains et murmure d’une voix faible :

« Ta nouvelle vie sera formidable ».

C’est le moment de le lui demander :

« Seulement si tu acceptes de venir avec moi.

-Comment ça ?

-J’aimerais que tu considères de t’installer à San Francisco avec moi. Je t’aime, Halima. »

Elle pâlit :

« Je t’aime aussi, Reza. Mais…

-Ne dis rien. Prends le temps de réfléchir s’il te plaît. »

Je ne m’attendais pas à cette réaction de sa part. Je pensais lui plaire, pourtant. Après tout, elle est tombée amoureuse du Reza producteur de cinéma vivant à Manhattan, et non pas d’un pseudo-chef en transition. Je m’apprête à retourner finir d’allumer le feu de la cheminée, quand elle ajoute :

« C’est que je viens d’être promue. J’ai accepté l’offre de directrice financière ce matin !

-Félicitations pour ta promotion ! C’est une excellente opportunité pour ta carrière. Désolé de t’avoir demandé de laisser de côté ta vie pour venir avec moi à l’autre bout du pays... Ce serait égoïste de ma part. Viens au moins avec moi à San Francisco pour le week-end ?

-Je ne peux pas. J’ai pris mes congés et je quitte demain pour Casablanca... »

Je ne l’entends déjà plus, occupé à contempler les bûches qui se sont enflammées. C’est bien dommage, moi qui était persuadé d’avoir trouvé la perle rare. Je verrai à son retour du Maroc si elle change d’avis. Sinon, et bien, il faudra que je lui dise que je ne crois pas aux relations à distance.

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C
C'est fini? C'est pour quand la suite?!
Répondre
I
Hello Curlie oui c'est fini à bientôt pour une autre aventure