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Proposition indécente

Publié le par Ilham Sinaceur

Proposition indécente

“On ne lutte pas contre la force du destin.”

Eschyle

« J’ai fait les courses et je t’ai apporté du shampoing sec ! » claironne Samia, en claquant la porte.

A mon grand étonnement, elle s’est révélée être d’une aide précieuse pendant les quatre derniers jours. Depuis que je suis enfermée à mon appartement, en congés maladie, mon amie prend grand soin de moi. Je suis contente qu’elle séjourne chez moi, pour une fois.

« Tu es un ange, Samia ! Merci, je vais enfin pouvoir me nettoyer les cheveux. »

Le médecin m’a interdit de me laver la tête à l’eau pendant une semaine, pour éviter toute infection. La seule consolation que je tire de cette convalescence forcée est la visite de mes amis. Je n’ai jamais vu autant de monde en si peu de temps, depuis que j’habite à Manhattan. Certes, Reza, qui a passé son temps à faire les allers retours entre son penthouse et mon studio, au gré de ses réunions téléphoniques et autres urgences professionnelles, mais aussi, Angelica mon ancienne colocataire, Nadia ma copine saoudienne, Mary et son chien Oscar, Chen escorté d’une demi-douzaine de collègues, et, Leo accompagné de quelques habitués du cours de théâtre.

D’ailleurs, ce dernier est revenu me voir sans faute tous les jours, en pensant à m’apporter à chaque fois un café latte comme je les aime, au caramel. Il est assis en ce moment-même sur mon canapé, et me tient compagnie en faisant le pitre. Il imite à merveille Jim Carrey, et il n’est jamais à court d’un nouveau gag.

Samia lâche les paquets de courses et accourt lui donner la réplique, alors qu’il interprète la fameuse scène de l’ascenseur du film « Menteur, menteur ». Je ris à chaudes larmes, tandis qu’elle se tortille dans tous les sens et roule des hanches dans son jean moulant. Elle n’y va pas de main morte à l’instant de la gifle, mais cela n’a pas l’air de le déranger :

« Halima, je ne savais pas que ta copine avait des talents de comédienne ! »

Samia le fixe de ses yeux de tigresse, et lui réponds :

« Et moi je me demande pourquoi Halima ne nous a pas présentés plus tôt ! »

Leo a l’air d’hésiter entre poser son regard sur les lèvres rouge vif ou sur le décolleté généreux de mon amie, avant de finalement opter pour la montre à son poignet :

« Il est vingt-heures passées ! Je dois filer.

-Tu as quelque chose à faire ?

-Euh… Non, rien de particulier.

-Tu as diné ?

-Non pas encore…

-Allons diner, je connais un excellent japonais avec une vue imprenable sur le parc…

-Halima ne peut pas sortir dans son état…

-Je voulais dire toi et moi on va diner » lui rétorque-t-elle, avec un regard qui en dit long.

Elle se retourne vers moi :

« Halima, tu n’as pas besoin de moi ce soir, n’est-ce pas ? » ajoute-t-elle d’un air implorant.

« Non, ne t’inquiète pas pour moi. Reza a certainement dû prévoir de passer après sa réunion. »

Il est presque une heure du matin. J’ai eu le temps de rattraper mon courrier professionnel en retard, d’avaler un bol de céréales au chocolat en guise de diner, et d’entamer la dernière saison de « House of Cards ». Mon téléphone sonne. C’est Reza. Je m’empresse de décrocher :

« Allo.

« Bonsoir ma chérie. Je sais qu’il est tard, mais je voulais entendre ta voix. Je te réveille ?

-Non ça va. » lui dis-je, d’une voix somnolente.

-La réunion avec l’investisseur a été positive. J’ai décroché le financement.

-Ah ! Félicitations ! Je suis contente pour toi ! »

J’ajoute :

« Samia n’est toujours pas rentrée. Elle est sortie diner avec Leo.

-Elle s’est trouvé une nouvelle proie. Je ne les imaginai pas ensemble, ceux-là !

-Pourquoi ?

-Tu n’as toujours rien compris ?

-Compris quoi ?

-Leo n’a d’yeux que pour toi.

-Tu es jaloux ?

-Non. Pourquoi je devrais l’être ? »

Il se tait un instant et ajoute :

« Je suis presque arrivé, je parque la voiture au garage et je passe te souhaiter bonne nuit.

-D’accord. »

Je raccroche et me dépêche de me lever pour soigner mon apparence. Je me brosse les cheveux, en me disant que ma cicatrice finira bien par disparaitre. Je souris toute seule, en me remémorant le moment où Reza m’a surprise avec un masque à l’argile verte sur la figure. C’est là que je réalise que je porte le même affreux pantalon de pyjama orange à rayures mauves, et je m’empresse de le troquer avec un déshabillé rouge sombre.

Lorsqu’il arrive un instant plus tard, il me fait remarquer en m’enlaçant :

« Tu as l’air épuisée. Tes amis ne te laissent pas tranquille, avec toutes ces visites. »

Je lui rends ses baisers en lui défaisant sa cravate :

-Ça me fait plaisir de les voir. »

Il continue, alors que je l’entraîne vers le lit :

-Le médecin a dit que tu avais besoin de repos. Je pense que tu devrais t’installer chez moi. Tu seras plus au calme, et tes amis n’oseront pas te déranger. »

Je m’arrête net. Ai-je bien entendu ? Vient-il de me proposer de m’installer chez lui ? J’ai du mal à cacher ma joie quand je réponds :

« Pourquoi pas ! Juste le temps que j’aille mieux, n’est-ce pas ?

-Laisse-moi t’aider à ramasser quelques affaires pour passer la nuit. On reviendra chercher le reste demain. »

Il est presque l’aube, quand je m’endors à ses côtés dans son lit assez large pour contenir une équipe de cheerleaders. Je m’assoupis en remerciant la bôme du voilier de m’avoir si méchamment amochée. Ça en valait la peine.

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M
Une suite delicieuse
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